Alec finit son tour de garde tard au soir ce jour-là. A peine ses heures terminées qu’il se cramponna à son cellulaire et y découvrit les innombrables messages de sa nouvelle compagne. Il faut dire que la politique à la caserne, même si on passe son temps à jouer aux cartes en attendant un quelconque appel d’une personne ayant besoin de leurs services, c’est téléphones interdits, chose que chacun prenait donc un certain dédain à respecter mais le jeune homme laissait toujours le sien dans son casier afin de ne pas se laisser tenter. Tous les messages de Sarah se ramenaient à peu près au même point, soit celui qu’elle l’attendait chez elle ce soir avec impatience, qu’il lui manquait, et elle lui racontait quelques fois ses petites catastrophes. Parce que oui, Sarah est une vraie maladroite et se cogne très souvent aux meubles, même ceux de son propre appartement qui sont pourtant à la même place depuis des années, et cette situation, Alec ne s’en lassait pas, se plaisant à en rire à chaque occasion. C’est donc sans plus trop attendre que le jeune homme se dirigea vers sa voiture, tout en envoyant un message à sa belle, la prévenant de son arrivée qui ne devrait plus durer. Machinalement, Alec prit le chemin menant à l’appartement de Sarah, en plein centre-ville. Depuis cinq mois désormais, il prenait ce chemin, allant une fois chez elle, une fois chez lui, et il commençait sérieusement à penser qu’il serait temps qu’il n’y ait plus qu’un des deux endroit qui soit à rejoindre. Que ce soit chez elle ou chez lui peu importe, mais cela faciliterait bien des choses. Le seul petit bémol dans l’histoire : May. Enfin, c’est un problème sans en être un, car Alec ne dira jamais que sa fille soit un problème ou encore un encombrement dans sa vie, loin de là ! Sa petite princesse est d’ailleurs la seule femme dans sa vie qui ait le droit de véto, le seul avis qu’il suive sans s’y opposer. Et si Alec avait toujours tenu toutes ses petites amies à distance de son rayon de soleil, dans le but de la préserver, Sarah était la première qu’il avait vraiment envie de lui présenter, la première femme qu’il voulait voir partager son quotidien, avec celui de sa petite fille. En y réfléchissant, le temps était passé tellement vite et la petite avait bien poussée ! Dix ans déjà, c’est fou comme le temps passe vite. Son bébé n’en est plus vraiment un, bien qu’elle soit tout aussi fragile qu’avant. Mais du haut de ses dix ans, sa petite avait acquis un certain sens critique, et c’est réellement ce dont il redoutait le plus. Sans parler du fait qu’avant de faire un seul pas vers May avec Sarah, il devait avoir l’accord de Devon et ça, c’est une toute autre paire de manche !

Le lendemain matin, il déposa Sarah à son bureau avant de reprendre le chemin de chez lui. Seulement arrivé au troisième carrefour, le jeune homme vira à droite au lieu d’aller à gauche. `C’est maintenant ou jamais´ se dit-il. Il fallait qu’il soit fixé, qu’il aille de l’avant –pour un fois- et qu’il prenne le taureau par les cornes, comme on dit ! Sauf que ce taureau-ci était plus que coriace, et bel et bien redoutable. Non pas qu’il ait peur de Devon, mais qu’elle était la mère de sa fille et que malheureusement pour lui, elle avait un petit mot à dire dans l’histoire. Après tout, ils étaient adultes aujourd’hui, elle pourrait bien se faire une raison, non ? Arrivé sur place, Alec se gara dans le parking sous l’immeuble avant de prendre l’ascenseur et de monter à l’étage de l’appartement de son ex. Il sonna un fois, pas de réponse, il décida donc d’entrer avec sa clé histoire d’être sûr qu’il n’avait pas raté Devon de peu. C’est sans beaucoup de surprise qu’il la retrouva étalée sur son lit, en étoile, les draps complètement défaits et les cheveux en bataille. Il faut l’avouer, l’avantage d’avoir la garde partagée d’un enfant c’est qu’une semaine sur deux, vous avez le droit de vous lâcher ! Et Alec réagissait exactement de la même manière quand il n’avait pas May chez lui. Quelques instants plus tard, Devon ouvrit les yeux, pour le moins surprise de le voir là « Mon dieu, j'ai cru avoir une attaque cardiaque ! ». Alec étouffa un rire, tellement il trouvait l’idée stupide « Heureusement pour toi, tout le monde va bien, dans le meilleur des mondes. ». ça, c’était Alec, incapable de garder pour lui une quelconque remarque, aussi idiote soit-elle. « Qu'est-ce que tu fais là ? Tu ne devrais pas être avec ta....Bidule ? » Alec leva les yeux avant de lui répondre, tout en la suivant dans la cuisine « Elle s’appelle Sarah, et tu ferais bien de l’imprimer une bonne fois pour toute … ». La devançant de peu, il mit alors la machine à café en marche, comme à son habitude quand il venait chercher May le matin. « Et à ce propos, il faut qu’on parle … » il fit exprès de laisser sa phrase en suspens, s’imaginant une fumée sortir des oreilles de Devon. L’idée le faisait sourire, il savait qu’elle savait de quoi il voulait lui parler. Pas besoin de forcément y mettre des mots.